NEWSLETTER "ANNOTATIONS"

Dans le cadre de la newsletter Annotations qui se déroule en parallèle de l’exposition du grand roman hypergraphique et numérique = de Hugo Bernard, le Musée Extd. vous propose, le lundi et le jeudi du 20 novembre au 20 décembre, un bref commentaire explicatif portant sur un chapitre de ce considérable travail.

Cliquez sur le gif ou le jpg pour accéder à un chapitre.

 

 

23/11 - Annotation n°1 // Chapitre ∈==3

Comment peut-on nommer « chapitre » ce pénis qui s’active tel un marteau-piqueur sur ce bref métrage ? Loin de tout phallocentrisme ou métaphore psychanalytique, l’auteur s’explique : « L’idée était en vérité très simple. Il s’agissait de créer un petit système d’écriture dont chaque signe puisse renvoyer à un mot ou signe de ponctuation distinct, cela en fonction de sa taille. Pour ajouter une touche comique, j’ai réalisé un idéogramme qui représente un phallus de façon à envisager son agrandissement ou son rétrécissement dans le temps, afin de retranscrire une phrase. En un certain sens, le référent (pénis) accorde l’un de ses attributs, l’élasticité, au signifiant (idéogramme). »

 

 

 

 

26/11 - Annotation n°2 // Chapitre "deux masques"

Ici, nul renvoi au masque obligatoire à revêtir actuellement, puisqu’il s’agit d’associer le cinéma avec l’art du masque. En interrogeant Hugo Bernard, ce dernier explique qu’« étant dépourvu des moyens matériels nécessaires pour réaliser ce genre de masque-écran, [il a] préféré réaliser, grâce au cinéma d’animation, une sorte de ‘‘maquette’’, de ‘‘plan préparatoire’’ pour la réalisation de quatre film-masques. » Ce travail étant à relier avec l’Hypergraphie, qui est l’art de l’organisation des signes de la communication, l’auteur propose de revisiter cette partie du costume afin d’envisager l’écoulement des visages au travers d’une multiplication temporelle des graphèmes. Ainsi, la face du comédien se fait successivement motif abstrait, paysage, note musicale ou lettre, tout en ayant, comme indiqué dans la section « Notation » du chapitre, plusieurs significations, elles-aussi en écoulement, valables lorsqu’elles apparaissent à l’écran.

 

 

 

 

30/11 - Annotation n°3 // Chapitre "quadrillage + 1"

Annoncé dans le message de « Bienvenue », le roman = comporte six chapitres cachés qui doivent être retrouvés au travers de parcours, jeux et devinettes plus ou moins ardus. Au terme d’une quête qui démarre au sein du « Chapitre six traits horizontaux » (situé en bas à droite du Sommaire), on finit par arriver au « Chapitre quadrillage + 1 » qui présente un monumental décor de théâtre cinématographique. Constitué de 700 signes dynamiques, le fond de la scène explore la répétition et la différence dans la succession temporelle des signes. Le spectateur se trouve immergé par des signes dits complexes, c’est-à-dire composés d’une suite de graphèmes divers, allant de l’idéogramme à la lettre. Écoulement de signes qui aurait de quoi anéantir un peuple d’épileptiques, une partie de chapitre est contituée d’une véritable plage de signes où les vagues s’enchaînent et font onduler et danser l’écran de façon perpétuelle.

 

 

 

 

3/12 - Annotation n°4 // Chapitre "avion turquoise"

À partir du scrolling, cette section du roman hypergraphique « = » offre une vue en plongée où l’on découvre un avion orné de signes qui survole diverses références visuelles à certaines compositions du musicien Claude Debussy. De Nuages (1899) à Clair de lune (1890), en passant par La Mer (1905), Cloches à travers les feuilles (1905), Et la lune sur le temple qui fut (1907) et Nuit d’étoiles (1880), le lecteur découvre à son rythme une mélodie graphique dans le silence le plus total.

 Paradoxalement, de façon simultanée, les sonorités que colportent ces mêmes signes idéographiques se révèlent successivement à gauche. En disjonction avec les graphèmes montrés à droite, on découvre des transcriptions effectuées à partir de fragments de partitions écrites par le célèbre musicien français, ainsi que des bribes de mots et de phrases en rapport avec l’impressionnisme. L’avion étant un cas particulier, celui-ci, inchangé et inchangeable visuellement, voit sa signification être constamment remplacée au gré des avancées du visiteur.

 De cette œuvre que l’on ne peut voir, entendre et comprendre de façon partielle, avec des contenus sonores ou sémantiques qui subissent aussi bien la soustraction que le changement, Hugo Bernard se plaît à envisager cette esthétique du morcellement, propre aux œuvres musicales de Debussy, dans les différentes sections de la réalisation hypergraphique.

 

 

 

 

7/12 - Annotation n°5 // Chapitre "deux carrés superposés"

 « Dans ce chapitre, explique l’auteur, j’ai souhaité montrer que la multiplicité des graphèmes peut se révéler au travers de l’écoulement des images, sans changer l’ordre ou la nature des sons à retranscrire. Trop souvent, on change le signifiant en même temps que le signifié, alors qu’il est possible d’opérer des glissements originaux et continus entre les deux sections ». En effet, à partir d’un lorem ipsum (faux texte), la réalisation commentée propose de conserver la place des lettres dans les mots et les phrases, tout en remplaçant les caractères par différents alphabets inventés.

Ces substitutions s’accomplissant et s’annulant constamment dans le déroulement du chapitre, l’auteur a souhaité donner un cadre d’exactitude à cette multi-barbarisation animée de l’écriture, cela par le biais d’une notation algébrique et géométrique. Ainsi, l’application de deux alphabets inventés se manifeste à l’aide de deux formes rectilignes. De même, le résultat de leurs différentes intersections, à savoir l’apparition d’un troisième système d’écriture, est traduit par le signe « ∩ ». En somme, rien ne se perd dans l’oralisation, et tout se transforme dans la visualisation.

 

 

 

 

10/12 - Annotation n°6 // Chapitre "paragraphe rose paragraphe violet"

 « Dans ce chapitre, explique l’auteur, j’ai souhaité montrer que la multiplicité des graphèmes peut se révéler au travers de l’écoulement des images, sans changer l’ordre ou la nature des sons à retranscrire. Trop souvent, on change le signifiant en même temps que le signifié, alors qu’il est possible d’opérer des glissements originaux et continus entre les deux sections ». En effet, à partir d’un lorem ipsum (faux texte), la réalisation commentée propose de conserver la place des lettres dans les mots et les phrases, tout en remplaçant les caractères par différents alphabets inventés.

Ces substitutions s’accomplissant et s’annulant constamment dans le déroulement du chapitre, l’auteur a souhaité donner un cadre d’exactitude à cette multi-barbarisation animée de l’écriture, cela par le biais d’une notation algébrique et géométrique. Ainsi, l’application de deux alphabets inventés se manifeste à l’aide de deux formes rectilignes. De même, le résultat de leurs différentes intersections, à savoir l’apparition d’un troisième système d’écriture, est traduit par le signe « ∩ ». En somme, rien ne se perd dans l’oralisation, et tout se transforme dans la visualisation.

 

 

 

 

14/12 - Annotation n°7 // Chapitre AB

« Dessinez les lettres ‘‘E’’ et ‘‘T’’ sur deux supports distincts (deux feuilles suffiront), puis mettez-les côte à côte, afin de former le mot français ‘’ET’’. À partir de quelle distance entre ces deux lettres considère-t-on qu’elles ne forment plus le son du terme « ET », soit [e], mais deux phonèmes ? Cette question, qui envisage le vague comme l’arbitraire dans la vision unitaire que l’on a du signe, demandait à être explorée avec clarté et objectivité par le biais de la notation. » En réponse exacte et harmonieuse à cette petite expérience de Hugo Bernard, ce chapitre caché envisage les caractères ‘‘A’’ et ‘‘B’’ comme un unique signe, tout en rendant la dimension sonore de cette unité relative à l'éloignement existant entre ses deux composants internes.

Pour satisfaire à cette exigence, la section « Notation » se compose de plusieurs propositions mathématiques qui permettent de former une graduation des différentes incarnations visuelles de ce signe et de ses significations. Pour ce qui est de la section « Chapitre », celle-ci existe ici en deux versions pour envisager deux états ‘‘physiques’’ distincts de cet élément. La première étant dynamique, elle se concrétise par un bref film où les deux caractères, réalisés plastiquement, effectuent des mouvements distincts, l’un circulaire et l’autre aléatoire, et offrent des transformations répétitives et automatiques du signe et de son sens. Quant à la seconde, statique, elle dispose tout simplement ces deux objets sur un quadrillage gradué dans une page web du Musée Extd.

Pour rajouter de l’hermétisme et de la complexité, l’œuvre considère également qu’une distance donnée entre A et B ne devait pas seulement renvoyer à un contenu sonore précis, mais à un ensemble de contenus sonores, borné par une brève formule descriptive rédigée en italique. Pionnier d’une mathématisation des œuvres hypergraphiques, l’auteur montre que les oralisations possibles de ce signe, déjà variées et changeantes, deviennent à présent infinies en se liant à une sorte de théorie des ensembles des bruits.

 

 

 

 

17/12 - Annotation n°8 // Chapitre בראשית

 

Dans ses Précisions préliminaires sur le roman « = », le texte d’Hugo Bernard mentionnait la première œuvre rédigée dans le style de la super-écriture, La Genèse, réalisée par Isidore Isou en 1950, et qui inaugurait l'ensemble des romans hypergraphiques Les Journaux des Dieux. Reprise dans le Chapitre בראשית du roman =, la première page de La Genèse constitue une mise en application de ce qu’Isou nommait la pictoprose, rédaction qui introduisait le dessin dans l’ordre de la phrase, et qui parvenait, en remplaçant les mots par des pictogrammes, à bouleverser la prose jusqu’alors bornée, de ses origines à Joyce, à une écriture purement phonétique.

En réponse négative à cet apport décisif, Hugo Bernard explique qu’il souhaitait « montrer à quel point les éléments de la communication, lorsqu’ils se manifestent sous la forme de dessins, sont parfois propices à trahir le lecteur. En lisant certains mots-dessins de la planche de la Création du monde, j’ai parfois buté sur leur sens à cause de pictogrammes insuffisamment précis. Même si les signes sont précisés en étant embrassés par l’ordre de la proposition, certains d’entre eux demeurent entourés d’un certain mystère concernant la chose signifiée. En moquant ce défaut propre au primitivisme de l’Hypergraphie, et plus précisément les quelques insuffisances graphiques d’Isidore Isou dans cette réalisation, ce chapitre prouve qu’on peut bêtement traduire les signes au premier degré, comme leur découvrir un sens complètement déconnecté de ce qu’ils nous offrent visuellement, sans pour autant bouleverser l’agencement de la phrase. Pour le formuler autrement, cette réalisation montre qu'il est possible d'explorer une graduation de significations qui va de l'exactitude la plus aberrante à l'inexactitude la plus grossière, ou alors d'un éloignement progressif entre le représentant et le représenté dans la super-écriture artistique.»

 

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